Séminaire, Productions et circulations des biens culturels

Le séminaire est organisé par le Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP) et le Laboratoire des sciences de l’information et de la communication (Labsic) dans le cadre du Labex « Industries culturelles et création artistique » (ICCA).

Les séances du séminaire ont lieu le jeudi entre 14h à 16h à la Maison des Sciences de l’Homme, Paris Nord (20 Avenue George Sand, 93210 Saint-Denis) située à la sortie du métro Front Populaire (ligne 12).


Séance 1. Jeudi 11 octobre 2018

Alexandre Kazerouni, Libéralisation culturelle et dérive autoritaire en Asie : le cas des musées-miroir du Qatar et d’Abou Dhabi

L’association entre « pays du Golfe » et « culture » est nouvelle, et elle étonne tant elle contredit l’image habituellement associée aux principautés du golfe Persique. La multiplication des annonces de musées à forte visibilité internationale au Qatar et à Abou Dhabi en a été la forme la plus éclatante ces dernières années. Or ces musées-miroir n’ont pas émergé dans un désert culturel. Le Louvre Abou Dhabi n’est pas un « Louvre des sables ». Dès les années 1970, les États de la rive sud du golfe Persique s’étaient déjà tous dotés d’au moins un grand musée national. En comparant ces deux modèles de musées, cette présentation montrera comment de la deuxième guerre du Golfe (1990-1991) est né un nouvel ordre régional qui a non seulement mis à mal l’hégémonie saoudienne sur la péninsule arabique, mais a aussi modifié le rapport de force entre les familles régnantes et leurs sujets. C’est à ce niveau interne du politique que se trouve une dynamique partagée entre le Qatar et Abou Dhabi à laquelle le Louvre Abu Dhabi ou le Musée d’art islamique de Doha participent de la même manière, celle de la restriction de la participation politique de la classe moyenne locale. Cette dérive autoritaire est compatible avec un projet scientifique et un bâtiment innovants que l’intervenant décrira en détail dans le cas du Louvre Abu Dhabi.

Alexandre Kazerouni est politologue, spécialiste du monde musulman contemporain et des pays du pourtour du golfe Persique en particulier. Il est chercheur à l’École normale supérieure, université Paris Sciences et Lettres (PSL), au sein de la Chaire Moyen-Orient Méditerranée du Département Géographie et Territoires.


Séance 2. Jeudi 15 novembre 2018

Stefano Barone, Musique Underground et construction du social dans la Tunisie post-révolutionnaire : les cas des scènes Metal, Rap et Electro

La présentation explore les façons dont la musique underground s’articule aux structures sociales dans la Tunisie post-révolutionnaire. Celle-ci se concentrera particulièrement sur les cas du heavy metal, du rap et de la musique électro. Ces différentes scènes imaginent la société tunisienne en manipulant les divers idiomes à propos des inégalités sociales qui circulent en Tunisie, qu’ils soient issus du discours politique, du folklore et du sens commun. Ainsi, les scènes de métal, de rap et d’électro fournissent à leurs membres des instruments pour tenter de changer les structures sociales et acquérir un capital culturel spécifique. Une telle ré-imagination de la société tunisienne génère des effets contradictoires : d’un côté, elle entend transformer les récits sociaux et les modes de vie en Tunisie ; de l’autre, ces musiques underground sont prises dans les contradictions politiques de la Tunisie post-révolutionnaire, ce qui les conduit à être également des lieux de reproduction des inégalités sociales et politiques.

Stefano Barone a obtenu son doctorat en sociologie à la Griffith University (Queensland, Australie) et enseigne la sociologie à l’Université de Central Lancashire (Preston, Angleterre). Sa recherche porte sur l’étude des cultures jeunes et de la musique populaire en Tunisie. Elle contextualise les pratiques musicales et identitaires des jeunes tunisien(ne)s dans les transformations qui ont suivi la révolution de 2010/2011. La fragilité des scènes musicales locales, les conflits identitaires et sociaux, et les relations entre culture pop et dynamiques politiques sont au centre de son travail de recherche.


Séance 3. Jeudi 6 décembre 2018

Celia Hassani, Scènes artistiques et politiques culturelles au Liban : formulation et consistance d’une demande sociale

L’émergence de politiques culturelles dans les pays du pourtour sud de la méditerranée représente aujourd’hui un enjeu majeur pour la compréhension des sociétés du Maghreb/Machrek. Leur observation rend compte des phénomènes de recompositions sociétales en cours et pose la question du rapport à l’art et de sa place dans les sociétés concernées. Cette demande actuelle en matière de politiques publiques culturelles est un phénomène observable actuellement au Liban. Ces initiatives, qui relèvent de la société civile, sont initiées par des groupes d’acteurs culturels locaux qui s’inscrivent d’emblée à l’échelle régionale et même transnationale. Le cas de Beyrouth, en tant que scène artistique d’importance, est tout à fait révélateur de ce point de vue. En prenant pour objet l’étude de la demande de politiques culturelles des acteurs des scènes artistiques, il s’agit de rendre compte et d’interpréter une revendication sociale, collective et transversale, une volonté de représentation et de régulation publique, entre l’Etat et la société. A partir de différentes scènes sociales, celles des artistes, des opérateurs culturels, des acteurs de la réception critique et des publics, la nécessité d’une politique culturelle se pose comme un objet de débat public en fonction duquel les acteurs justifient de ce qu’ils sont, pensent et sentent, mais aussi de ce qu’ils font.

Célia Hassani est doctorante contractuelle inter-ED à l’Université d’Aix-Marseille. Elle est rattachée à l’Institut de Recherches et d’Etudes sur les Mondes Arabes et Musulmans (IREMAM) et le Laboratoire d’Etudes en Sciences des Arts (LESA). Célia Hassani prépare une thèse sous la direction de Catherine Miller et de Gilles Suzanne. Sa recherche interroge les scènes artistiques libanaises et les enjeux sociétaux que signale et soulève la demande de politiques culturelles qui s’y formule.


Séance 4. Jeudi 17 janvier 2019

Oceane Sailly, Les réseaux culturels américains, britanniques et français dans les pays du Conseil de Coopération du Golfe

Océane Sailly prépare un doctorat à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris III (ED 267 – CIM) sur la diplomatie culturelle américaine, britannique et française dans les pays du Conseil de Coopération du Golfe.  Pour l’année 2018-2019, elle bénéficie de l’aide à la mobilité doctorale du CEFAS (Koweït).


 Séance 5. Jeudi 14 février 2019

Sbeih Sbeih, « Nouveaux » romanciers en Palestine : entre lutte pour le pouvoir et volonté d’émancipation

L’essor que connait la littérature romanesque palestinienne depuis la signature des accords d’Oslo en 1993 nous laisse croire à l’émergence de « nouveaux » romanciers en Palestine. Cette nouvelle production en langue arabe est néanmoins tiraillée par deux logiques opposées : universelle et patriotique. La première se caractérise par la référence aux valeurs universelles qu’entraine l’« ouverture à l’international » dans la nouvelle configuration politique en Palestine. L’enjeu ici peut s’expliquer par la volonté de certains romanciers d’être traduits et lus à l’international, soit d’occuper une place dans la « république mondiale des lettres ». La seconde s’exprime notamment après la fin de la 2e Intifada en 2005 par le « retour » de la cause nationale et de la question coloniale, ce qui fait resurgir le vieux slogan : « l’art, c’est l’engagement ». L’intervention vise ainsi à étudier ces deux logiques et la lutte entre elles dans le champ littéraire palestinien à travers l’analyse des trajectoires de certains romanciers écrivant depuis la Cisjordanie d’une part et la correspondance de ces trajectoires avec les représentations qui animent cette nouvelle production de l’autre.

Sbeih Sbeih est docteur en sociologie, post-doctorant au Labex Med et chercheur à l’IREMAM.


Séance 6. Jeudi 21 mars 2019

Cherif Dris, La régulation du nouvel espace audiovisuel privé en Algérie

Sans attendre la promulgation d’un texte de loi qui délimiterait les contours de l’espace audiovisuel privé, des chaines de télévisions ont fait leur apparition à partir de l’année 2011 en Algérie, brisant ainsi le monopole de la télévision publique sur ce domaine. Leur statut juridique n’étant pas clairement défini, la question de leur légalité et des contenus qu’elles offrent s’est rapidement posé. Si la loi sur l’audiovisuel (2014) et la définition des cahiers des charges (2016) ont contribué à lever certaines ambigüités, les dispositions retenues soulèvent une série de questions, qu’il s’agisse des statuts et de la nature de ces chaines (thématiques ou généralistes), des conditions de leur création, des contenus qu’elles doivent proposer et aussi aux missions et prérogatives de l’instance de régulation de l’audiovisuel (ARAV). Ces questionnements posent à nouveau non seulement la question de la perception que les pouvoirs publics en Algérie ont de l’ « ouverture » de l’audiovisuel et de la manière de la réguler mais aussi les rapports entre secteurs public et privé.

Cherif Dris, Politologue, est maitre de conférences  et président du comité scientifique du département de journalisme à l’Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l’Information d’Alger.

Enrique Klaus, La régulation audiovisuelle au Maroc et en Tunisie : de l’institutionnalisation à la réforme du secteur médiatique

La régulation audiovisuelle au Maghreb central s’inscrit dans une dynamique de convergence de politique publique susceptible de réformer plus ou moins en profondeur l’Etat autant que le secteur médiatique. Elle marque une rupture avec le passé propagandiste et œuvre à l’ouverture de paysages médiatiques nationaux moribonds, dominés par le secteur public. Ainsi ce phénomène s’inscrit-il au confluent de plusieurs logiques (étatiques et commerciales, mais aussi normatives et nationalistes) dont l’articulation est censée être assurée par les autorités de régulation. Comment s’agencent les logiques économiques induites par la libéralisation avec les logiques politiques qui découlent de l’abrogation du monopole étatique sur les ondes ? Qu’advient le « pouvoir d’imposition symbolique » caractéristique selon Bourdieu du champ étatique ? Quelles logiques sociotechniques en dérivent dans la production comme dans les pratiques de consommation médiatiques des audiences maghrébines ? Nous tenterons de répondre à ces questionnements à partir des cas marocain et tunisien, et en dialogue avec l’expérience algérienne présentée lors de ce séminaire par Chérif Dris.

Enrique Klaus est docteur en science politique et arabisant. Il est aujourd’hui postdoctorant au sein de l’ERC-TARICA, en détachement à l’IRMC de Tunis. Ancien pensionnaire de recherche au CEDEJ (2004-2011), au CJB (2011-2013), et à l’IRMC (2013-2017), et ancien enseignant-chercheur à l’EGE (2011) et à l’UIR (2011-13) au Maroc, ses travaux portent sur la régulation audiovisuelle au Maghreb, l’institutionnalisation des autorités de régulation et leur production normative.


Séance 7. Jeudi 11 avril 2019

Présentation d’ouvrages

Naomi Sakr and Jeanette Steemers (eds), Children’s TV and Digital Media in the Arab World. Childhood, Screen Culture and Education (IB Tauris, 2017) (présenté par Asmaa Azizi)

Mustafa Kasha and Dan Caspi The Palestinian Arab in/Outsiders: Media and conflict in Israel, Valentine Mitchell, 2011 (présenté par Sadia Agsous)


Séance 8. Jeudi 16 mai 2019

Angélique Girault, La bande dessinée pour adultes dans le Monde arabe : localisme (et ouverture) d’une jeune production

L’émergence dans le monde arabe d’une bande dessinée tournée vers un public adulte a pour particularité de concerner divers contextes nationaux. La quasi simultanéité de cette émergence dans ces différents contextes peut s’expliquer par une similarité des conjonctures sociopolitiques, mais les formes qu’elle a prises résulte aussi de diverses circulations et d’influences réciproques. Bien que l’analyse de cette production invalide l’idée de l’avènement d’une bande dessinée proprement (pan) arabe, les pratiques de ses divers acteurs contribuent au développement d’un espace qui transcende effectivement les frontières nationales. Nous nous proposons d’analyser les facteurs qui déterminent l’ancrage des pratiques autour de l’objet, cherchant ainsi à saisir ce qui influe sur la configuration de ce nouvel espace de production.

Angélique Girault est doctorante en Études arabes (Sorbonne-Université) et en Sciences sociales (EHESS). Elle est rattachée au Centre de Recherches Moyen-Orient Méditerranée (CERMOM) et à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS). Sa recherche porte sur les enjeux et dynamiques liés à l’émergence ainsi qu’au développement de la bande dessinée tournée vers un public adulte dans le Monde arabe au cours de la dernière décennie.


Séance 9. Jeudi 27 juin 2019

Laetitia Nanquette, La littérature iranienne contemporaine : forme, fonction et circulation

Une littérature peut-elle être mondiale quand les sanctions occidentales, la censure interne et un nationalisme exacerbé contraignent la circulation de son espace principal ? Dans cette présentation, je décris comment la littérature iranienne contemporaine fonctionne et circule, de la révolution islamique de 1979 jusqu’à aujourd’hui, à la fois en Iran et dans les pays de la diaspora iranienne (principalement États-Unis, Australie et Europe occidentale). Analysant les échanges littéraires entre la diaspora et l’Iran, je montre la diversité des modes de mondialisation. De fait, étudier un pays ‘fermé’ comme l’Iran permet d’appréhender de façon plus complète les mécanismes de mondialisation culturelle, au-delà des grands conglomérats éditoriaux et des foires du livre internationales.

Laetitia Nanquette est enseignante-chercheuse en littérature à l’University of New South Wales, Sydney, Australie. Docteure en études moyen-orientales de la School of Oriental and African Studies, Londres, elle a publié Orientalism versus Occidentalism: Literary and Cultural Imaging Between France and Iran Since the Islamic Revolution (I.B. Tauris, 2013). Se rendant fréquemment en Iran, elle travaille actuellement à un livre sur la littérature iranienne contemporaine et sa circulation à travers le monde.


>> informations sur https://culturmena.hypotheses.org/seminaire-2018-2019

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